Pour ma mère, RESISTE était incontestablement LA comédie musicale de l’année ! Pour moi, cela représentait 2h30 d’ennui à devoir subir le répertoire de France Gall, artiste que j’aime beaucoup, mais quand même… 2h30 quoi !
Après avoir tout tenté pour esquiver subtilement cette invitation, c’est finalement après une looongue négociation mère-fille que je cédais face aux arguments de la Mamma.
Nous voilà parties un soir glacial de décembre, direction le Palais de sports de Paris.
En moonwalk pour ma part.
Après quelques réactions un poil ronchonnes dès le lever de rideau, je changeais bien rapidement d’attitude…
Quelques minutes après que les premières notes retentissent, de petits cœurs rose bonbon remplaçaient déjà le fond noir de mes pupilles. WOW !
Qui sont ces chanteurs qui respirent le bonheur et la légèreté comme dans les pubs TV de soupline ? Et tous ces danseurs qui ondulent à la perfection aux quatre coins de la scène ? Qui sont ces gens qui osent venir bousculer gaiement chaque parcelle de mon corps et de mon esprit ? J’ai rien demandé à personne moi !
La vraie question qui me hantait était surtout de savoir qui se cachait derrière ces chorégraphies entrecoupées, acidulées et aiguisées à la perfection.
Même si je n’avais pas encore la réponse, je savais secrètement que je rencontrerais bientôt ce ou cette chorégraphe qui m’intriguait déjà beaucoup trop !
Quelques clics sur Google plus tard, je mettais enfin un nom et un visage sur cette artiste qui avait réussi à me réconcilier avec les comédies musicales françaises et ce répertoire so 70’s.
C’est un certain mercredi ensoleillé de janvier que je retrouvais la pétillante Marion Motin au Café de l’Industrie dans le 11ème arrondissement de Paris pour en apprendre un peu plus sur sa vie d’artiste.
Marion, son aura solaire, ses longs cheveux bruns bouclés et son manteau de fourrure me rejoignaient alors pour papoter autour d’un Perrier citron et d’un jus d’orange pressé.
Si le monde de la coolitude avait une reine, elle s’appellerait Marion Motin.
Rencontre
Bonjour Marion, qui es-tu ?
Je m’appelle Marion Motin, j’ai 34 ans et je suis danseuse / chorégraphe. Je fais de la danse depuis toute petite.
J’ai été danseuse/interprète jusqu’à l’âge de 32 ans, âge auquel je suis officiellement devenue chorégraphe, même si je continue de danser dans mes spectacles.
Les expériences qui t’ont le plus marquées en tant que danseuse ?
Ma rencontre avec le chorégraphe contemporain Angelin Prejlocaj, dans le cadre d’un spectacle auquel je participais avec trois autres danseuses hip-hop. La gestuelle d’Angelin avait quelque chose de spécial. Je l’observais beaucoup.
Cette collaboration m’a fait découvrir autre chose que le hip-hop, j’ai découvert énormément de points communs entre ces deux styles de danse. Je crois que cette expérience et cette prise de conscience artistique me menait déjà vers le métier de chorégraphe.
Mon tout premier battle reste aussi un souvenir très fort. C’était au Pré-Saint-Gervais, j’avais 20 ans, j’étais tétanisée et ne dormais plus à l’idée de devoir danser devant tous ces gens !
Avec un trac fou avant de débuter, j’ai finalement pris un pied incroyable. Un pur kif !
En tant que chorégraphe ?
Quand j’ai vu le concert de Christine & The Queens au Zénith et que je me suis souvenue d’où on était partis, j’ai vraiment réalisé le chemin parcouru et me suis pris une grosse claque !
Que ce soit pour la préparation des concerts de Christine ou de Stromae, nous avions l’habitude de travailler à la cool dans de petites salles. Le fait de les voir ensuite sur des scènes immenses et mythiques, c’est vraiment fou !
Quand je chorégraphie des clips ou des concerts, je suis tellement impliquée, concentrée et exigeante que je ne réalise pas toujours « l’après ». C’est une fois que je termine le projet que je réalise l’ampleur du travail fourni.
De la vie de danseuse à celle de chorégraphe il n’y a qu’un pas. Ça s’est passé comment pour toi ?
J’ai toujours eu envie de chorégraphier même si je le faisais déjà pour mes différents groupes de danse. L’idée de monter entièrement un spectacle me faisait vibrer, même si ce n’est pas toujours évident de « prendre la parole » avec le corps et assumer ses idées sur scène.
Le fait d’avoir participé au MDNA Tour en 2012 en tant que danseuse durant 1 an m’a fait beaucoup travailler sur moi-même. J’ai eu l’occasion de participer au montage d’une chorégraphie pour Madonna, mais nous étions plusieurs à travailler dessus.
Même si le fait de ne pouvoir m’exprimer totalement me frustrait un peu, cela a déclenché en moi l’envie de me lancer dans la chorégraphie, sans me soucier du regard des autres.
C’est avec Stromae que j’ai officiellement débuté ce métier pour le clip « Papaoutai« . Il avait besoin que l’on ressente une certaine liberté dans ses chorégraphies. Il ne voulait pas respecter « les codes ». Nous nous sommes bien trouvés !
Les artistes avec qui tu as collaboré font partie des meilleurs mais semblent avoir conservé leur côté humain face à la notoriété. C’est pour toi un critère important avant de signer une collaboration ?
C’est primordial !
Mon mantra dans la vie est de ne jamais me sentir ni au-dessus ni en dessous de quelqu’un . J’ai besoin de me sentir au même niveau que tout le monde. Cela me permet de travailler sincèrement et de manière véritable. Ce qui est important pour moi c’est de faire le taf pour les vraies raisons liées au côté artistique, à l’âme du projet.
Si on pense trop à la notoriété, à la reconnaissance ou à l’argent, on n’est plus dans le but premier et le travail perdra inévitablement de sa sensibilité et de sa magie.
Tu as entre autre signé les très célèbres clips de « Papaoutai » de Stromae ou « Christine » de Christine and the Queens. Où trouves-tu l’inspiration pour créer ce genre de chorégraphies décalées et déstructurées ?
L’inspiration vient de la fusion entre l’univers des artistes et le mien. Je m’imprègne d’abord de ce qu’ils font, de ce qu’ils sont et des messages qu’ils veulent faire passer à travers leur musique avant de les interpréter avec mon corps.
Avec Stromae quelques mots suffisent pour que nous nous comprenions. J’arrive à savoir très rapidement ce qu’il attend.
Avec Christine, on parle beaucoup puisque son univers est plus abstrait et mérite d’aller plus loin en m’imprégnant de mots, de couleurs, de matières,…
Lorsque tu es en phase de création, à quoi ressemblent tes journées ?
Quand je travaille sur des chorégraphies, j’ai pour habitude de toujours repousser le travail au dernier moment parce que j’ai peur de ne pas y arriver.
Je me lève tard, je traîne autour de mon p’tit dèj, je fais du ménage,… Bref je trouve toujours quelque chose à faire pour repousser l’échéance pour finalement m’y mettre très tard le soir.
Une fois que mon esprit est prêt à travailler, j’écoute le morceau des dizaines de fois. Je m’assois sur le canapé, me lève pour tester quelques mouvements, me rassois, bois un thé, me relève, me rassois, me refais un thé…
J’ai besoin de dormir sur toutes ces idées pour pouvoir créer de manière optimale. Il me faut en général 2 soirs pour boucler une chorégraphie.
J’ai une obsession du mouvement essentiel. Je n’arrête pas de travailler tant que le mouvement que j’attends ne sort pas.
Quelle place occupe la danse dans ton quotidien ?
Je danse tout le temps. Au travail bien sûr mais aussi sous ma douche, en m’habillant, dans un bar avec mes copines ou même parce que ce que je mange est bon.
J’utilise aussi la danse lorsque j’ai besoin d’extérioriser des émotions.
À quoi reconnaît-on le style Marion Motin ?
Je dirais que mon style est organique, instinctif et libérateur. J’ai besoin de créer des mouvements qui vont libérer une tension ou une émotion un peu comme dans une thérapie.
Où pouvons-nous retrouver ta signature artistique dans les prochains mois ?
- à travers la comédie musicale RESISTE actuellement en tournée dans toute la France
- dans mes créations « Dharani » et « In the Middle » avec mon groupe Swaggers avec qui je tourne entre autre à Lille et en Suisse
- je prépare actuellement un solo pour l’année prochaine. Surprise !
Quels conseils as-tu à donner à toutes celles qui rêveraient de devenir danseuse professionnelle ou chorégraphe ?
Ne cherchez pas à être quelqu’un d’autre mais soyez l’essence de ce que vous êtes.
Soyez vous-mêmes à 2000%, développez vos supers pouvoirs, écoutez-vous, ne dansez pas pour faire plaisir aux autres. Ne vous empêchez de rien, même si c’est différent, même si cela ne correspond pas à ce qu’on attend de vous. C’est très égoïste mais il faut d’abord se faire plaisir à soi !
Dans l’art en général, à partir du moment où on essaie de faire plaisir aux autres, on s’oublie. On oublie l’essentiel du message que l’on veut faire passer.
Grâce à ton job tu te déplaces beaucoup. Raconte nous un de tes meilleurs souvenirs de voyage.
C’était au Chili lors de la tournée avec Madonna. J’avais repéré un adorable petit marché local dans la région de Santiago et j’ai proposé à 4 potes danseurs de Brooklyn et de Memphis de m’y accompagner pendant notre jour off.
Après un long trajet en taxi, on s’est finalement retrouvés dans un village accueillis par un paon. On se baladait au milieu de tous ces artisans locaux, de leurs ponchos colorés et de leurs couteaux aiguisés à la main quand nous sommes tombés sur un vieux couple de Belges, de passage au Chili pour quelques mois.
L’homme jouait du saxo. Nous avons commandé du vin chaud et mes amis ont commencé à danser en rythme avec la musique du vieil homme. De grands blacks américains qui se déhanchent sur la musique d’un vieillard belge dans un village chilien… un souvenir magique !
Des rencontres improbables dans des lieux improbables, je vis pour ce genre de scènes !
Généralement tu es plutôt jus d’épinards et quinoa ou burger et Dr Pepper ?
Si c’est à Paris ce sera un veggie burger ! Chez moi en Normandie, je ne crains pas de manger de viande puisque je sais d’où elle vient. En revanche, je ne bois plus de boissons gazeuses depuis longtemps alors j’opterai pour un bon jus d’épinards !
À Paris, où peut-on te croiser ? Une adresse cool à nous conseiller ?
Je suis une inconditionnelle du Siseng proche du Canal Saint-Martin, les burgers sont à tomber par terre !
Il faut y aller tôt pour éviter la queue en évitant bien sûr les soirs de week-end.
Ta sœur, Margaux Motin, est également une artiste reconnue par ses dessins sur la vie trépidante des trentenaires. L’art c’est dans vos gênes ?
Je ne sais pas si l’art est génétique mais le milieu familial y est propice. Ma mère nous a toujours poussées vers ces voies là. Nous avons baigné dans un univers musical avec des parents qui chantaient, dansaient et sortaient beaucoup. Les amis de mes parents avaient tous ce côté un peu arty des années 90.
Avec une certaine liberté d’esprit, il est toujours plus facile de développer sa créativité et sa fibre artistique.
C’est quoi le bonheur ?
Pour moi le bonheur c’est d’être tellement épanouie que tu kiffes tout, tout le temps, pour n’importe quoi et avec n’importe qui. Que ce soit simple ou extravagant, le bonheur c’est d’être en paix avec soi-même.
Ce que tu écoutes pour :
- TE MOTIVER
- T’AMUSER
- T’INSPIRER
- T’ENDORMIR
- AIMER
Le mot de la fin ?
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